Je déteste les vegans*
*con·nes
Petit aparté : je ne parlerai pas dans cet articles des antispécistes qui utilisent des arguments sexistes et racistes et n’y voient aucun problème, iels ne méritent rien de plus que notre mépris le plus total.
Oui, c'est un titre clickbait, j'assume. En soi, je n'ai rien contre les vegans, j'essaye même activement d'en devenir une depuis près de 2 ans. Ce qui me gêne (et le mot est faible), c'est le discours de certain·e·s d'entre elleux. Vous savez, ce discours « aucune excuse » culpabilisant au possible. Ce discours, ce « tout ou rien », c'est ce qui m'a dissuadée de devenir vg pendant des années, parce qu'avec mon hyperphagie (TCA proche de la boulimie), ben je ne maîtrise pas en permanence ce que je mange.
Ma méthode perso pour « convertir » les gens ? Leur donner envie de devenir vegans. En leur faisant goûter mes fabuleuses lasagnes aux courgettes, en préparant un chili sin carne à tomber par terre pour un budget ridicule, en apportant à la cantine du boulot des petits plats qui font envie et en répondant patiemment à leurs questions, en leur expliquant – quand iels demandent – en quoi les produits animaux posent problème (éthique, écologie, santé...). Et surtout, en prenant compte leurs besoins et leurs particularités.
Par exemple, jamais je ne ferai la morale à quelqu'un qui souffre de TCA (troubles du comportement alimentaire). La boulimie et l'hyperphagie font qu'on n'a pas toujours le contrôle de ce qu'on mange, que ça soit pendant une crise ou en dehors. Parfois, « céder » à une envie (de fromage par exemple), me permet d'éviter une crise. Alors oui, manger du fromage n'est pas une bonne chose. Mais je préfère vraiment manger 2 apéricubes en soirée que me taper une nuit complète de crise en rentrant. Et je ne m'en excuserai pas. Je ne suis pas anorexique, et j'en connais assez peu les mécanismes, mais il ne me viendrait jamais à l'idée de demander à quelqu'un de se restreindre sur le peu qu'iel arrive à manger. Et il ne s'agit pas de « quelques personnes », puisqu'on estime que chez les femmes de 15 à 35 ans, 1,5 % sont anorexiques et 3 à 4 % sont boulimiques, et que 6 à 8 % des gens entre 15 et 55 ans (soit plus de 500.000 personnes en France) souffrent de compulsion alimentaire sévère. Il faut aussi prendre en compte les allergies et les intolérances alimentaires, qui peuvent compliquer la transition vers une alimentation 100 % végétale, dans le cas d'allergie au soja et aux noix par exemple.
Il faut aussi prendre en compte les moyens financiers. Les simili coûtent cher, mais pas que : les noix de cajou coûtent moins cher que les simili fromages, mais ne sont pas abordables pour autant. L'argument « oui mais les pâtes et le riz c'est pas cher » est d'un classisme crasse. Comme (presque) tou·tes les vegans, vous avez dû, quand vous avez commencé à vous intéresser à l'alimentation végétale, lire beaucoup d'infos sur la nutrition. Vous connaissez donc l'importance d'une alimentation variée, des fruits & légumes, etc. Donc non, je ne trouve pas ça honnête de pousser des gens à manger du riz à l'eau et des pâtes au sel. Et puis, plutôt que d'encore gueuler sur les pauvres, ça serait plus utile de faire pression sur les industriels pour que les prix baissent, non ?
Oui, on peut manger sain, végétalien et pas cher. Mais ça prend du temps. Quelqu'un qui rentre de 9h de travail, qui a passé 3h dans les transports et qui doit encore nourrir les gosses, les laver et les coucher, iel met les nuggets à 4€/kg dans la poêle et la purée déshydratée dans le micro-onde, iel ne met pas ses PST (protéines de soja texturées) à tremper pour faire des nuggets maison pendant qu'iel pèle les patates pour la purée. Et puis nous ne sommes pas tou·tes valides. Peler des légumes, ça me prend quelques minutes et ça ne me demande pas d'effort particulier, mais je connais plusieurs personnes pour qui ça n'est pas possible, ou alors au prix de douleurs et d'une fatigue considérable. Le handicap, ça n'est pas qu'être en fauteuil roulant, il y a aussi plein de handicaps invisibles, des gens qui souffrent de douleurs et/ou de fatigue chronique. Et leur donner des leçons et leur dire qu'iels « n'ont qu'à s'asseoir et y passer plus de temps », c'est validiste et gerbant. Je vous invite à vous abonner aux comptes twitter de militant·es anti-validisme sur Twitter, à lire et à apprendre, sans penser que vous savez mieux qu'elleux ce qu'iels peuvent faire.
Un autre élément à prendre en compte, c'est qu'on n'habite pas tou·tes à Paris, ou même dans une grande ville. Et on n'a pas tou·tes 10 ou 15€ à mettre dans des frais de port. Tout le monde ne peux pas aller au marché, je pense notamment aux étudiant·es qui travaillent le week-end. Donc quand on habite à un endroit où on ne peut trouver que des noix de cajou grillées et salées à 20 €/kg, on ne fait pas de fromage végétal maison. Et quand on n'a pas le permis ou pas de voiture, on ne peut aller que dans les magasins accessibles en transports en commun et on ne peut pas forcément acheter en trop grosses quantités.
Faire du parmesan végétal, c'est pas cher... sauf qu'il faut un mixeur. Idem pour le houmous, le fromage de patates, etc. Pour les smoothies, certes les fruits surgelés sont moins chers (parce que les mangues fraîches à 3 € pièce, non merci), mais il faut avoir un congélateur à disposition. Pareil pour les steaks végétaux faits maison : on peut en préparer 15 d'un coup, mais il faut pouvoir les surgeler ! La dernière fois que j'ai regardé, un congélateur, c'était trois ou quatre cent euros pour quelque chose qui ne flingue pas la planète et la facture d'électricité.
Et, bien entendu, ces différentes choses peuvent s’accumuler. Alors oui, dans l'absolu, hors TCA, c'est vraiment simple de ne plus mettre de viande ou de fromage dans sa bouche. Mais bien se nourrir est cher, ou chronophage, ou les deux ; et « grâce » au spécisme, à l'industrie agro-alimentaire, aux lobbies et aux économies d'échelle, les produits les plus accessibles (prix, lieux d'achats, préparation...) sont les sous-produits animaux.
Donc je vous propose un truc : au lieu de faire culpabiliser les gens qui ne sont « pas assez » vegans, on fait en sorte de faciliter leur transition :
- on combat la grossophobie (dont celle des personnels de santé) et on améliore la prise en charge des TCA ;
- on encourage les gens à consommer plus végétalien, même si c'est intermittent, pour pousser les industriels à proposer plus de produits végétaliens ;
- on partage des recettes simples et économiques, des astuces et tout ce qui peut aider les végéta*ien·nes débutant·es ;
- on démonte les mythes sur les carences.
Alors oui, ça demande plus d'effort que de beugler sur des gens random sur Twitter sans avoir la moindre idée du contexte. Mais c'est plus utile.
Et moins con.